Vous êtes ici : Accueil > Actualités > Présomption d’un intérêt à former un recours contre un permis de construire : le retour du voisin direct au projet

Présomption d’un intérêt à former un recours contre un permis de construire : le retour du voisin direct au projet

Le 27 avril 2016
Présomption d’un intérêt à former un recours contre un permis de construire : le retour du voisin direct au projet
Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

Depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l'urbanisme et l’introduction d’un nouvel article L. 600-1-2 au code de l’urbanisme, la notion d’intérêt agir à l’encontre d’un permis de construire n’a cessé d’évoluer.

Historiquement et traditionnellement, le juge administratif faisait preuve d’un grand libéralisme et d’une grande souplesse pour reconnaître un intérêt à agir à l’encontre d’un permis de construire pour un voisin direct ou proche du projet en cause.

La réforme de l’urbanisme de 2013 a entrainé une remise en cause de ce principe.

Tout récemment, le Conseil d’Etat ainsi pu considérer au visa de ses dispositions « (…) qu’il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager, de préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien (…) » (CE, 10 février 2016, n°387507).

Autrement dit, le voisin direct du projet doit se prévaloir de sa seule qualité de voisin pour démontrer qu’il a un intérêt à agir à l’encontre du permis obtenu par son voisin.

Dans l’arrêt commenté, le Conseil est venu rappeler l’office du juge et le rôle des parties.

Ainsi, d’une part, il appartient « (…) à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien (…) ».

D’autre part, et a contrario, « (…) il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité (…) ».

Enfin, il appartient au juge de l’excès de pouvoir d’apprécier « (…) la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci ; (…) » (voir notamment en ce sens CE, 10 juin 2015, n°386121).

Les juges du Palais Royal ont toutefois complété ce considérant de principe en indiquant : « (…) qu'eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction (…) ».

Ainsi, une présomption d’intérêt à agir du voisin direct du projet fait à nouveau son apparition.

En l’espèce, le Conseil d’Etat a censuré l’ordonnance de rejet pour irrecevabilité contestée et a considéré qu’en indiquant qu’il occupait un bien immobilier situé à proximité immédiate du projet qu’il subirait nécessairement les conséquences de ce dernier, en matière de vue et de son cadre de vie ainsi que les troubles occasionnés et la hauteur du bâtiment, le requérant à suffisamment démontré son intérêt à contester le permis.

Il conviendra toutefois à ce dernier de démontrer en quoi le projet porte atteinte ou affecte les conditions d’utilisation, d’occupation ou de jouissance de son bien, afin de se prémunir d’un hypothétique rejet pour défaut d’intérêt à agir.

Références : CE, 13 avril 2016, n°389798 ; CE, 10 février 2016, n°387507 ; CE, 10 juin 2015, n°386121